mardi 12 novembre 2013

11 novembre : journée bureau...



Ici ce n'est pas jour férié, il y eut pourtant  plus de 40 000  malgaches envoyés en Europe pendant la première guerre mondiale , plus de 8 000 y moururent "pour la France". pour les "bienfaits de la colonisation" sans doute ?
En tout cas il fait beau et personne ne parle de ça, ni même ou vraiment très vite, des résultats officiels du premier tour de l'élection présidentielle. Chacun défend son champion bien discrètement, au moins pour l'instant. Avec le poste du gîte calé sur RFI j'arrive à avoir des nouvelles comme ce terrible cyclone aux Philippines. C'est moi qui leur a donné l'information.
Aujourd'hui c'est ma journée bureau à Manandona, avec plusieurs réunions en perspective. A 9heures je commence par Nina et Naja à propos de la comptabilité et d(un certain nombre de questions posées par le bureau d'AM Henry. Je fais un eu de lecture expliquée du dernier mail qu'ils ont reçu et me disent n'avoir pas bien compris. J'avais pris soin de télécharger les nouveaux fichiers de comptes et j'ai pu leur expliquer les avantages et aussi les contraintes des feuilles de calcul automatisées. Il en ressort que pur bien des comptes il y a du flou et qu'il faudrait bien aller à Antsirabé voir le banquier pour obtenir les relevés manquants et obtenir un nouveau code d'accès pour les consultations rn ligne. Ils sont pourtant plein de bonne volonté mais encore assez loin de la rigueur de Livo leur prédécesseur. Je leur demande de concentrer leur travail proche sur les demandes d'Anjou Madagascar ce qui permettra de mieux voir 2013 mais surtout de pouvoir mieux prévoir nos actions pour 2014. On fera une autre réunion avant mon départ pour voir si on a bien avancé. J'ai beau me forcer je suis moins crédible qu'Henry dans le rôle de comptable !  Après avoir passé en revue tous les points qu'il m'avait indiqué dans ses mails on clôt la séance et je vais marcher pour me change les idées et donner des photos dans la partie nord du village. 


Nina et moi écoutons Stinjo raconter son histoire


Je repense à Stinjo, le président de la commission jeunes (absent samedi dernier) qui est venu me voir ce matin. Cela fait maintenant plusieurs années qu'on se connaît et c'est le seul rescapé de la première commission jeunes. Il a 22 ans c'est un garçon timide mais efficace qui a appris à faire de la vidéo et du montage (il a fait plusieurs films de mariages). Il vient m'annoncer son départ imminent pour l'ile Maurice. Des sociétés de filature (FLC Maurice et Escale) recrutent à tour de bras des malgaches (300 en novembre) pour leurs usines mauriciennes. Les conditions, voyage payé, logés, nourris et 250 euros par mois pour 58 h (cinquante huit) de travail hebdomadaire, attirent les jeunes qui ici n'ont pas de perspective d'embauche. Je suis effondré et j'ai du mal à choisir mes mots pour dire mon indignation. Voilà le prix à payer pour nos tee-shirt pas chers. Les contrats sont de 3 ans pour les filles et 4 pour les gars. Au bout de 2 ans on peut venir 15 jours en vacances voir la famille en payant le voyage qui sera remboursé par l'entreprise si l'ouvrier revient. Un peu plus tard je croise un jeune couple avec leur petite fille. Eux aussi rêvent de cet exil. Ils confieront leur enfant aux grands parents. A partir du 16 novembre les candidats sont convoqués à Antananarivo pour une visite d'aptitude, la fourniture de passeports et l'annonce de la date de leur départ. La pauvreté arrive à faire voir la servitude en planche de salut. Je vais essayer de rester en contact avec lui pour savoir comment ça se passe.
Dans le hameau situé juste après la sortie nord de Manandona, peuplé de gens très pauvres aux habits rarement lavés, je distribue les photos prises en avril. Moments chaleureux pleins de rires et d'émotions.. A un moment une très vieille dame me montre un enfant sur le tirage que je lui ai donné un peu plus tôt et, des larmes dans les yeux, arrive à me faire comprendre que la petite est morte depuis la prise de vue.

A la porte d'une maison de ce hameau proche du village de Manandona


Vers 14 heures c'est Philibert qui vient me trouver pour une nouvelle réunion au cours de laquelle nous allons balayer une bonne partie des questions contenues dans mon ordre de mission.
On commence par le projet OLDES, projet de caisse de solidarité expérimenté dans deux fokontany de Manandona. Les comptes fort succincts que Naja peut nous montrer font tout de même apparaître que les remboursements vont plutôt bien mais que le détail de l'utilisation des fonds n'est pas encore connu (une réunion doit avoir lieu dans les jours qui viennent et on me précisera tout cela).
J'essaie de savoir si les colis du container ont bien été tous ventilés à leurs destinataires. Il ne semble pas y avoir de problèmes mais je veux aller vérifier dans la réserve de la bibliothèque (fermée aujourd'hui) qu'il faudra bien vider des choses inutiles. Que faire des écrans cathodiques ? Philibert m'a dit qu'il avait essayé de les vendre, mais personne n'en veut…
Autre sujet important, la formation professionnelle. Il me répète ce que Paul nous a rapporté lors de son dernier passage et il semble qu'il n'y ait pas beaucoup d'avancées sue ce sujet. A ma question sur les spécialités qu'il souhaitait voir enseignées ici il me dit que maçonnerie, menuiserie pour les garçons et coupe couture pour les filles… si pour la maçonnerie on peut se passer d'électricité, pour la menuiserie c'est indispensable pour une formation efficace. Quand à la couture ça n'a plus aucun sens avec l'invasion durable des fripes européennes venues finir leur vie ici après avoir été peut-être, fabriquées par des malgaches à Maurice… Il semble donc bien que ce dossier ne bouge pas beaucoup
On passe ensuite au chapitre jardins (le plus long moment passé avec Philibert) en fonction aussi de ce que Michel a vu ces dernières semaines. Deux parties : les questions techniques et les questions de gestion. Pour ce qui est des techniques il semble acquis que ces jardins devront être biologiques et qu'une visite chez l'agriculteur qui produit son compost en 7 jours sera organisée la semaine prochaine (je lui montre la "recette" envoyée par Michel par mail). Pour ce qui concerne la gestion de ces productions on essaye d'imaginer un modèle adapté aux habitudes et aux besoins des gens d'ici. Je lui fais part de l'expérience de mon frère sur ses 10 ans de pratique de jardins au Sénégal (près de 40 jardins installés, qui marchent et que j'ai vus). Bien sûr la situation est différente, mais tous les essais de gestion collective n'ayant pas marché, on pourrait essayer une gestion mixte : 1 tiers en plantes médicinales, 1 tiers en plantes pour huiles essentielles, ces deux parties gérées sous forme coopérative et le dernier tiers partagé entre les coopérateurs pour une production maraîchère à gestion individuelle, immédiatement profitable. La répartition des tâches et l'organisation seront à définir en fonction de la taille des associations et surtout de la superficie des terrains mis à disposition. Philibert m'emmène voir celui auquel il pense près de la nouvelle mairie. Environ 3000 m2 et l'eau pas très loin…
On se quitte en prévoyant d'autres moments pour affiner tout cela. Il ne faut jamais qu'on oublie qu'ici la population est paysanne et très habituée aux cultures. Quand on voit leurs champs on peut aussi admirer leurs connaissances (irrigation…). Améliorer ou modifier leurs techniques agricoles n'est pas chose facile (sinon il y aurait du SRI-Système de Riziculture Intensif-partout) face aux habitudes… et pas qu'à Madagascar, en France, l'agriculture biologique est très loin de représenter la plus grande part de la production agricole. Le modèle qu'on tente de bâtir essaie d'allier les profits à court terme avec le potager et le moyen et long terme avec les plantes médicinales et plantes à huiles essentielles. De toute façon, seule l'expérimentation pourra faire évoluer ces propositions.
Après tout cela je ressors marcher voir la fin du jour sur le village. La rue est très animée. Les gens se saluent, me saluent. Soirée paisible en somme.

1 commentaire:

  1. Quelle journée riche en émotions ! Superbe photo des enfants sur le seuil.
    Je découvre aussi ce système révoltant de l'achat de main d'œuvre à moindre coût, faisant miroiter un eldorado, qui nous semble pourtant si terne...

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