Ici ce n'est pas jour
férié, il y eut pourtant plus de 40
000 malgaches envoyés en Europe pendant
la première guerre mondiale , plus de 8 000 y moururent "pour la
France". pour les "bienfaits de la colonisation" sans doute ?
En tout cas il fait
beau et personne ne parle de ça, ni même ou vraiment très vite, des résultats
officiels du premier tour de l'élection présidentielle. Chacun défend son
champion bien discrètement, au moins pour l'instant. Avec le poste du gîte calé
sur RFI j'arrive à avoir des nouvelles comme ce terrible cyclone aux
Philippines. C'est moi qui leur a donné l'information.
Aujourd'hui c'est ma
journée bureau à Manandona, avec plusieurs réunions en perspective. A 9heures
je commence par Nina et Naja à propos de la comptabilité et d(un certain nombre
de questions posées par le bureau d'AM Henry. Je fais un eu de lecture
expliquée du dernier mail qu'ils ont reçu et me disent n'avoir pas bien
compris. J'avais pris soin de télécharger les nouveaux fichiers de comptes et
j'ai pu leur expliquer les avantages et aussi les contraintes des feuilles de calcul
automatisées. Il en ressort que pur bien des comptes il y a du flou et qu'il
faudrait bien aller à Antsirabé voir le banquier pour obtenir les relevés
manquants et obtenir un nouveau code d'accès pour les consultations rn ligne.
Ils sont pourtant plein de bonne volonté mais encore assez loin de la rigueur
de Livo leur prédécesseur. Je leur demande de concentrer leur travail proche
sur les demandes d'Anjou Madagascar ce qui permettra de mieux voir 2013 mais
surtout de pouvoir mieux prévoir nos actions pour 2014. On fera une autre
réunion avant mon départ pour voir si on a bien avancé. J'ai beau me forcer je
suis moins crédible qu'Henry dans le rôle de comptable ! Après avoir passé en revue tous les points
qu'il m'avait indiqué dans ses mails on clôt la séance et je vais marcher pour
me change les idées et donner des photos dans la partie nord du village.
Nina et moi écoutons Stinjo raconter son histoire |
Je repense à Stinjo, le
président de la commission jeunes (absent samedi dernier) qui est venu me voir
ce matin. Cela fait maintenant plusieurs années qu'on se connaît et c'est le
seul rescapé de la première commission jeunes. Il a 22 ans c'est un garçon
timide mais efficace qui a appris à faire de la vidéo et du montage (il a fait
plusieurs films de mariages). Il vient m'annoncer son départ imminent pour
l'ile Maurice. Des sociétés de filature (FLC Maurice et Escale) recrutent à
tour de bras des malgaches (300 en novembre) pour leurs usines mauriciennes.
Les conditions, voyage payé, logés, nourris et 250 euros par mois pour 58 h
(cinquante huit) de travail hebdomadaire, attirent les jeunes qui ici n'ont pas
de perspective d'embauche. Je suis effondré et j'ai du mal à choisir mes mots
pour dire mon indignation. Voilà le prix à payer pour nos tee-shirt pas chers.
Les contrats sont de 3 ans pour les filles et 4 pour les gars. Au bout de 2 ans
on peut venir 15 jours en vacances voir la famille en payant le voyage qui sera
remboursé par l'entreprise si l'ouvrier revient. Un peu plus tard je croise un
jeune couple avec leur petite fille. Eux aussi rêvent de cet exil. Ils
confieront leur enfant aux grands parents. A partir du 16 novembre les
candidats sont convoqués à Antananarivo pour une visite d'aptitude, la
fourniture de passeports et l'annonce de la date de leur départ. La pauvreté
arrive à faire voir la servitude en planche de salut. Je vais essayer de rester
en contact avec lui pour savoir comment ça se passe.
Dans le hameau situé
juste après la sortie nord de Manandona, peuplé de gens très pauvres aux habits
rarement lavés, je distribue les photos prises en avril. Moments chaleureux
pleins de rires et d'émotions.. A un moment une très vieille dame me montre un
enfant sur le tirage que je lui ai donné un peu plus tôt et, des larmes dans
les yeux, arrive à me faire comprendre que la petite est morte depuis la prise
de vue.
A la porte d'une maison de ce hameau proche du village de Manandona |
Vers 14 heures c'est
Philibert qui vient me trouver pour une nouvelle réunion au cours de laquelle
nous allons balayer une bonne partie des questions contenues dans mon ordre de
mission.
On commence par le
projet OLDES, projet de caisse de solidarité expérimenté dans deux fokontany de
Manandona. Les comptes fort succincts que Naja peut nous montrer font tout de
même apparaître que les remboursements vont plutôt bien mais que le détail de
l'utilisation des fonds n'est pas encore connu (une réunion doit avoir lieu
dans les jours qui viennent et on me précisera tout cela).
J'essaie de savoir si
les colis du container ont bien été tous ventilés à leurs destinataires. Il ne
semble pas y avoir de problèmes mais je veux aller vérifier dans la réserve de
la bibliothèque (fermée aujourd'hui) qu'il faudra bien vider des choses
inutiles. Que faire des écrans cathodiques ? Philibert m'a dit qu'il avait
essayé de les vendre, mais personne n'en veut…
Autre sujet important,
la formation professionnelle. Il me répète ce que Paul nous a rapporté lors de
son dernier passage et il semble qu'il n'y ait pas beaucoup d'avancées sue ce
sujet. A ma question sur les spécialités qu'il souhaitait voir enseignées ici
il me dit que maçonnerie, menuiserie pour les garçons et coupe couture pour les
filles… si pour la maçonnerie on peut se passer d'électricité, pour la
menuiserie c'est indispensable pour une formation efficace. Quand à la couture
ça n'a plus aucun sens avec l'invasion durable des fripes européennes venues
finir leur vie ici après avoir été peut-être, fabriquées par des malgaches à
Maurice… Il semble donc bien que ce dossier ne bouge pas beaucoup
On passe ensuite au
chapitre jardins (le plus long moment passé avec Philibert) en fonction aussi
de ce que Michel a vu ces dernières semaines. Deux parties : les questions
techniques et les questions de gestion. Pour ce qui est des techniques il
semble acquis que ces jardins devront être biologiques et qu'une visite chez
l'agriculteur qui produit son compost en 7 jours sera organisée la semaine
prochaine (je lui montre la "recette" envoyée par Michel par mail).
Pour ce qui concerne la gestion de ces productions on essaye d'imaginer un
modèle adapté aux habitudes et aux besoins des gens d'ici. Je lui fais part de
l'expérience de mon frère sur ses 10 ans de pratique de jardins au Sénégal
(près de 40 jardins installés, qui marchent et que j'ai vus). Bien sûr la
situation est différente, mais tous les essais de gestion collective n'ayant
pas marché, on pourrait essayer une gestion mixte : 1 tiers en plantes
médicinales, 1 tiers en plantes pour huiles essentielles, ces deux parties
gérées sous forme coopérative et le dernier tiers partagé entre les
coopérateurs pour une production maraîchère à gestion individuelle,
immédiatement profitable. La répartition des tâches et l'organisation seront à
définir en fonction de la taille des associations et surtout de la superficie
des terrains mis à disposition. Philibert m'emmène voir celui auquel il pense
près de la nouvelle mairie. Environ 3000 m2 et l'eau pas très loin…
On se quitte en
prévoyant d'autres moments pour affiner tout cela. Il ne faut jamais qu'on
oublie qu'ici la population est paysanne et très habituée aux cultures. Quand
on voit leurs champs on peut aussi admirer leurs connaissances (irrigation…).
Améliorer ou modifier leurs techniques agricoles n'est pas chose facile (sinon il y aurait du
SRI-Système de Riziculture Intensif-partout) face aux habitudes… et pas qu'à Madagascar, en France,
l'agriculture biologique est très loin de représenter la plus grande part de la
production agricole. Le modèle qu'on tente de bâtir essaie d'allier les
profits à court terme avec le potager et le moyen et long terme avec les
plantes médicinales et plantes à huiles essentielles. De toute façon, seule
l'expérimentation pourra faire évoluer ces propositions.
Après tout cela je
ressors marcher voir la fin du jour sur le village. La rue est très animée. Les
gens se saluent, me saluent. Soirée paisible en somme.
Quelle journée riche en émotions ! Superbe photo des enfants sur le seuil.
RépondreSupprimerJe découvre aussi ce système révoltant de l'achat de main d'œuvre à moindre coût, faisant miroiter un eldorado, qui nous semble pourtant si terne...