Samedi 24 octobre 2015
Grand beau soleil ce matin quand Jacques, Paul et moi
montons dans le taxi B, direction Antsirabe. Par chance, nous n’avons pas à
attendre trop longtemps, et nous avions de la place. Nous escaladons la grande
côte de Manandona avec notre bus poussif. Vingt minutes plus tard, nous
descendons à la gare routière sud d’Antsirabe. Nous faisons un tour dans le
quartier en attendant que le cyber café ouvre. La rue est déjà très animée,
avec de nombreuses échoppes. Les marchands de pain, viande, légumes, fromages…
sont déjà installés et attendent les clients.
Le mur des journaux attire les badauds qui y découvrent les unes |
Un cortège de voitures passe en
klaxonnant à qui mieux mieux, sans trop s’occuper des piétons et des pousse
pousse : c’est un mariage qui défile. Certains pousse pousse sont
pimpants, décorés sur leur plaque arrière de scènes de vie malgache. Ils
deviennent de plus en plus rares, concurrencés par des cyclo pousse, moins éreintants
pour ceux qui les mènent.
Dans une ruelle adjacente, des couturières sont au travail.
Elles préfèrent de loin les machines à manivelle qui sont très mobiles.
Plus loin
encore, une fillette portant sur sa tête des braséros en poterie, trottine
nerveusement pour tenter de suivre l’adulte qui la précède sans faire attention
à elle.
Jacques et Paul vont régler leurs problèmes de crédits téléphoniques à
la boutique Orange (les opératrices y sont fort charmantes…), puis nous nous
rendons chez Rahoul, le bijoutier qui nous change nos euros en ariarys. Cette
fois son fils l’assiste dans le cérémonial.
Il est temps de nous rendre au
Cyber, qui vient d’ouvrir, pour avoir une connexion Skype avec Henry. Pendant
plus d’une ½ heure, nous faisons le point sur nos missions respectives, et lui
indiquons nos prochaines actions. La liaison est excellente. Puis, nous mettons
en ligne les deux blogs, et regardons nos courriers respectifs. Il est déjà une
bière plus tard, et temps d’aller manger. Paul nous conduit au Pousse, un
restaurant au décor insolite.
Nous faisons honneur au tournedos de zébu
Rossini. Pour moins de 4,5€ on peut pas râler, mais si le foie gras fut
parfait, la viande était très bonne, bien qu’un peu ferme (il y a eu trop de
débit, et certaines pièces n’ont pas eu le temps de rassir assez).
Je tenais à aller dans une librairie, afin de voir des
dictionnaires franco-malgache et inversement, ainsi que des livres scolaires de
géographie et histoire. Nous trouvons un recueil de cartes, mais pas les livres
entr’aperçus à Ambohimanarivo. Jacques découvre avec bonheur un livre d’Histoire
de la Colonisation, vu du côté des Malgaches. Quant à moi, je fais mon miel d’un
livre de contes de ce pays, et d’une méthode dite rapide d’apprentissage de la
langue.
Claudie
Avant de manger nous sommes allés saluer Albine dans son
centre ophtalmologique repeint de neuf. Nous ne restons pas longtemps malgré
son envie de nous parler. En quittant le restau on a aussi parlé avec Florent
de Vahatra qui s’y trouvait attablé. Il fut question de motos, de jardins… mais
là encore il a fallu partir rapidement voir la foire expo pour tenter de
trouver M. Rivo le fabricant de pompes à eau. Le ciel se couvre rapidement et
peu après que nous ayons laissé Paul à son hôtel le ciel nous tombe sur la tête :
éclairs, vent, tonnerre et pluie ! Comme de juste nous avons enlevé ce
matin nos k-way des sacs à dos. Riche idée.
A l’abri dans son stand nous
discutons de la réparation de la pompe de Sahanivotry. Ça ne l’enchante guère,
il souhaiterait bien plutôt en installer une neuve… pas avant fin décembre !
Je suis bien déçu car je voulais régler ce souci avant de partir. Qui d’autre
trouver ? En attendant l’heure tourne et il faut quitter l’avenue de l’Indépendance
pour rejoindre la gare routière. En rasant les murs et aussi grâce à la chaleur
nous arrivons à peine humides au lieu de départ. Chance il y en a un à moitié
plein. Le guichetier du parc nous y mène
avec force démonstration de jovialité. Le véhicule est une énigme de la
longévité des véhicules routiers.
Il y a longtemps que les garnitures des
parois ont disparu, les portes latérales sont condamnées, la porte du
conducteur a perdu sa vitre et avec la pluie il devra arracher le plastique
pour conduire en toute sécurité. Pendant ce temps là les sièges se remplissent :
5 par rangée sans compter les enfants. Donc une fois rempli on épaissit :
des personnes s’infiltrent se tassent s’empilent à qui mieux mieux. Il en tient
même trois sur le siège passager et un sur le capot moteur intérieur.
Pendant le remplissage la vie continue sous la pluie |
J’oubliais
trois canards sagement coincés dans une soubique et qui ne diront jamais couac
du trajet. Et encore une autre soubique empilée sur la galerie qui en contient
une bonne dizaine. L’équipage est complet on peut partir… enfin si on trouve
quelques costauds pour suppléer au démarreur absent depuis un moment. Première
pause à la station de gonflage, on ne sait jamais, faut être prudent. Deuxième pause
à la station service où grâce à l’argent récolté auprès des voyageurs, le
chauffeur fait le plein… d’un bidon de 3 litres qu’il vient déverser dans un
réservoir auxiliaire promu au rang de réservoir principal, derrière son siège
et au ras des becs des canards qui n’osent protester, comme nous.
Le chauffeur est prudent,
la nuit tombe, il pleut sur la route où bien peu de gens pensent à éclairer
leurs véhicules.
Je verrai en descendant que le nôtre n’échappe pas à la règle.
D’arrêt en arrêt où des voyageurs nous laissent, nous nous déplions et à
Manandona Claudie et moi passons par l’avant pour quitter ce navire qui nous a
bien ramenés, malgré tout. L’ambiance à l’intérieur y est bon enfant et sur ce
trajet il y a toujours quelqu’un qui nous salue… bon moment d’humanité modeste
que la pauvreté aussi engendre. Le trajet aller retour Antsirabe Manandona
coûte plus qu’une journée de travail (moins de 1€) d’un ouvrier agricole. Ces
tickets ne permettent pas de mettre à disposition des véhicules coûteux alors…
Nous retrouvons Florian au gîte, il est énervé par le
comportement des jardiniers de Sahanivotry à qui il a rapporté des sacs soudés
pour les boutures de géranium mises en péril par une absence totale de
préparation. En effet les jardiniers avaient coupé les boutures sans s’occuper
de savoir si le matériel nécessaire à leur implantation en pépinière était là.
Il est suffoqué quand les jardiniers demandent en plus une avance sur la
livraison pas encore commencée… et dont le contrat n’est pas encore signé.
Colère notre Florian ! Et en plus ils ont tenté de lui taper un café… Il n’a
pas dû mettre longtemps à rentrer, la colère lui donne des ailes à notre botaniste !
Jacques
Le mot du botaniste
Je vais vous parler des forêts galeries. Que
sont-elles ? Ce sont des forêts très longues, mais très peu larges.
Ici à Manandona, on ne les retrouve plus qu’à Ibity, au fond
des vallées dans lesquelles coulent souvent un mince filet d’eau en saison
sèche, ou bien un torrent déchainé en saison pluvieuse. Les forêts galeries, en
règle générale, sont préservées des prédateurs sylviphages : les hommes,
le feu, les herbivores, la sécheresse. C’est le cas ici : cachées dans les
creux de montagne, elles ont toujours un environnement humide dû à la présence
d’un petit cours d’eau, ce qui les protège aussi des feux de brousse étant
donné que la végétation y est toujours verte. Les pentes, de part et d’autre du
ruisseau, évitent aussi toute agression humaine : on ne peut pas cultiver
les pentes, et personne ne va laisser paitre ses zébus par ici. Quant aux
chèvres et aux moutons, heureusement ils n’existent encore presque pas ici.
Ces forêts galeries sont de véritables refuges d’une
végétation ancestrale désormais disparue. On y trouve de très nombreuses
orchidées épiphytes ou lithophytes, des hibiscus endémiques, de très nombreuses
plantes médicinales, et de nombreux grands arbres que l’on ne trouve nulle part
ailleurs dans la région. Elles accueillent encore de nombreux oiseaux, insectes
qui n’ont nul autre endroit où aller se cacher.
Leur importance est donc capitale, en tant que musée vivant
de la végétation d’antan, en tant que greniers à plantes médicinales utiles à
l’homme, et en temps que zoo naturel pour préserver le reste de faune qui
arrive encore à subsister. Souhaitons leur de pouvoir servir de futur réservoir
à graines pour pouvoir réinvestir le massif en des jours meilleurs.
Flo(rian)
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